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Donneur d’ordre : entre obligation de vigilance et droit à se défendre

Donneur d’ordre : entre obligation de vigilance et droit à se défendre

Auteur : Maître Edith COLLOMB-LEFEVRE
Publié le : 17/07/2025 17 juillet juil. 07 2025

Donneur d’ordre : entre obligation de vigilance et droit à se défendre

Le redressement URSSAF d’un donneur d’ordre en tant que débiteur solidaire d’un sous-traitant faisant l’objet d’un procès-verbal de travail dissimulé est un risque juridique et financier majeur. Pourtant, de nombreuses entreprises sous-estiment encore les obligations de vigilance qui pèsent sur elles. Tour d’horizon des précautions à prendre, des erreurs à éviter et des leviers de défense disponibles.

L’obligation de vigilance du donneur d’ordre : une obligation à ne pas négliger
Lorsqu’un contrat de prestation de services ou un acte de commerce dépasse 5 000 euros HT, le donneur d’ordre est tenu, dès sa conclusion puis tous les six mois jusqu’à son terme, de vérifier que son co-contractant respecte ses obligations sociales[i] (articles L.8222-1 et suivants du Code du travail).
Concrètement :
  • Il doit exiger une attestation de vigilance (article L.243-15 CSS), prouvant que le prestataire est à jour de ses déclarations et paiements sociaux.
  • Cette attestation doit être datée de moins de 6 mois, et authentifiée via le code de vérification fourni, auprès de l’URSSAF (article D.243-15 CSS).
  • Aucun autre document (ex : attestation sur l'honneur) n’est recevable.
  • L’attestation doit être obtenue avant le démarrage effectif de la prestation.
En pratique, ces vérifications sont trop souvent négligées. Certaines fois elle sont externalisées auprès de plateformes. Le donneur d’ordre doit s’assurer que ces dernières vérifient l’authenticité et conserve la preuve de cette vérification.

La jurisprudence impose une vigilance « renforcée »
La Cour de cassation a élevé le niveau d’exigence : le donneur d’ordre doit vérifier la cohérence des données figurant dans l’attestation avec la réalité de la prestation (masse salariale déclarée, effectifs, cohérence avec la prestation confiée).

En cas de redressement : quels moyens de défense pour le débiteur solidaire ?
Le donneur d’ordre a le droit de :
  • Produire les attestations de vigilance collectées pour démontrer avoir satisfait à son obligation, mais en règle générale le redressement intervient en raison d’un défaut d’obtention ou de contrôle de ces attestations.
  • Contester la régularité de la procédure de redressement URSSAF suivi à son encontre.
  • Contester la régularité de la procédure de redressement URSSAF engagée contre son sous-traitant, même si ce dernier ne l’a pas fait lui-même (Cass. Civ. 2e, 23 juin 2022, n°20-22.128).
Des décisions récentes permettent :
  • De soulever l’irrégularité de la lettre d’observations adressée au sous-traitant (CA Lyon, 19 nov. 2024, RG 22/03788 – non définitif) ;
  • Mais pas celle de la mise en demeure reçue par ce dernier (Cass. Civ. 2e, 5 juin 2025, n°22-23.817) ;
  • D’exiger la production par l’URSSAF du procès-verbal de travail dissimulé établi contre le cocontractant (Cass. Civ. 2e, 8 avril 2021, n°19-23.728).
Ces droits s’appuient sur la décision QPC du 31 juillet 2015 (n°2015-479) du Conseil constitutionnel, qui garantit au débiteur solidaire la possibilité de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé de l’exigibilité (…) des cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations et afférentes aux paiements solidaires auxquels il est tenu.


Une jurisprudence encore en construction
On regrette que la Cour de cassation n’ait, pour l’heure, imposé la communication du procès-verbal qu’en phase judiciaire, et non dès la phase contradictoire qui fait suite à la réception de la lettre d’observations. Ce choix oblige le donneur d’ordre à aller jusqu’au contentieux pour faire valoir ses droits, avec les coûts et délais que cela implique.

Conclusion : anticipation et traçabilité
Dans un contexte où la solidarité financière peut atteindre des montants significatifs, le donneur d’ordre doit s’astreindre à mettre en place et suivre rigoureusement une procédure de contrôle de la satisfaction par ses cocontractants à leur obligation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions sociales.
 

[i] Le cocontractant ne doit pas être en situation de travail dissimulé par dissimulation d’activité ou de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.


Article rédigé par Maître Edith COLLOMB-LEFEVRE, Avocate Associé

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