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Le témoignage anonyme est-il recevable en matière prud’homale ?

Le témoignage anonyme est-il recevable en matière prud’homale ?

Auteur : Me Olivier GELLER
Publié le : 12/05/2023 12 mai mai 05 2023

1°/ Les Managers et Responsables hiérarchiques sont dépositaires, fréquemment, de situations révélées par des salariés venant spontanément à eux, réprouvant le comportement ou la conduite de certains de leurs collègues.

Par peur de représailles, les témoins peuvent être conduits à refuser d’attester ou accepteraient de le faire, le cas échéant, mais de manière anonyme.

L’employeur, lui-même garant de l’obligation de sécurité, peut-il sanctionner l’auteur d’agissements fautifs, en produisant in fine devant la Justice prud’homale les témoignages anonymes recueillis ?

2°/ Deux principes fondamentaux s’opposent a priori :

  • d’une part, le principe de la liberté de la preuve en matière prud’homale, induisant que celui qui veut prouver ses prétentions peut le faire par tout moyen, en produisant toute pièce utile (attestation, courrier, courriel, agenda, notes manuscrites...).
  • d’autre part, le droit à un procès équitable[1].

Ainsi, ce conflit « de normes » place, il est vrai, la personne « incriminée » dans l’impossibilité de se défendre face à des accusations anonymes.

3°/ Afin de concilier les deux impératifs précités et de ne pas aboutir à des situations d’impunité, la Cour de Cassation rappelle[2], de manière salutaire, l’office du Juge face au témoignage anonyme produit par l’employeur en ce que[3] :

  • le témoignage anonyme est recevable et donc ne peut pas être écarté des débats [4] ;
  • le témoignage anonyme est doté d’une force probante et c’est la raison pour laquelle les Juges du fond qui avaient refusé au cas particulier d’examiner lesdits témoignages versés aux débats, sont censurés ;
  • le témoignage anonyme n’est pas suffisant, à lui seul, pour fonder une mesure disciplinaire et doit donc être corroboré par d’autres éléments permettant « d’en analyser la crédibilité et la pertinence ».

Ainsi, si le témoignage anonyme ne peut se concevoir comme seul mode de preuve, il ne doit en aucun cas être exclu, a priori, et ce et dans l’optique de répondre à des comportements fautifs dont l’employeur est saisi.

[1] Article 6 paragraphes 1 et 3 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales
[2] Cour de Cassation, Chambre Sociale, 4 juillet 2018, n° 17-18.241 (cf. article 13 décembre 2018)
[3] Cour de Cassation, Chambre Sociale, 19 avril 2023, n° 21-20.308 : « Si le Juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs et dont l’identité est néanmoins connue par l’employeur, lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence ».
[4] En réalité, aucun témoignage ne peut être déclaré irrecevable, a fortiori ceux qui ne seraient pas anonymes, aucun formalisme légal n’étant prescrit à peine de nullité ; il appartient seulement au Juge prud’homal de vérifier la valeur et la portée des témoignages (Jurisprudence constante, voir notamment Cass. Soc. 30 novembre 2010, n° 09-66.449)



Article rédigé par Maître Olivier GELLER, Avocat Associé
 

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