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Le délai de convocation à entretien préalable à l’examen des juges

Le délai de convocation à entretien préalable à l’examen des juges

Auteur : Maître Xavier BLUNAT
Publié le : 23/05/2024 23 mai mai 05 2024

On pensait le sujet bordé de longue date, mais l’examen des arrêts des Cours d’appel de ces dernières semaines sur la question du délai de convocation d’un salarié à un entretien préalable à sanction démontre au contraire qu’elle donne encore lieu à des décisions dont les réponses peuvent parfois surprendre.

Le principe est exposé en trois lignes par l’article L. 1232-2 du Code du Travail :

L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Si l’on précise d’une part que les jours ouvrables s’entendent du lundi au samedi compris et d’autre part qu’il s’agit de jours entiers et qu’en conséquences le jour de réception de la convocation et celui de l’entretien ne peuvent être inclus dans ce délai, l’on pourrait avoir la faiblesse de penser que la cause est facilement entendue.

Et l’on aurait tort…

Petit tour d’horizon thématique des dernières décisions rendues sur le délai de convocation d’un salarié à un entretien préalable.


1- La preuve du respect de ce délai

Il convient de noter un arrêt singulier de la Cour d’appel de RENNES (CA RENNES, 13.03.2024, n°21/01073) qui déboute le salarié invoquant le non-respect du délai de convocation en relevant qu’il ne produit aucun élément probant « tel que la signature de l’accusé de réception », lequel accusé de réception est en possession de l’employeur et non du salarié…

C’est toutefois sans surprise que la tendance très largement partagée par les juges fait peser sur l’employeur la preuve du respect, par lui, des délais prescrits par le Code du travail (CA PARIS 6-7, 21.03.2024, n°21/00654 ; CA GRENOBLE, 30.04.2024, n°22/00683).

Toujours au titre de la preuve, on peut évoquer au nombre des décisions surprenantes celle de la Cour d’appel de PARIS (CA PARIS 6-8, 25.04.2024, n°22/06531) qui admet que cette preuve soit rapportée par l’avis de dépôt du courrier produit par l’employeur… lequel ne justifie toutefois pas de la date de réception par le salarié de cette convocation, qui est pourtant la seule date à faire débuter le délai de convocation.


2- L’incidence des retards postaux

Une ancienne décision de la Cour d’appel de DIJON (CA DIJON, 12.11.2009, n°09-154) exonérait l’employeur de tout manquement dès lors qu’il établissait, par la preuve de dépôt, avoir pris ses précautions en postant sa lettre de convocation 9 jours avant l’entretien préalable, la réception tardive de celle-ci par le salarié étant la conséquence des errements de La Poste.

Toutefois, pour la Cour d’appel de GRENOBLE (CA GRENOBLE, 07.03.2024, n°22/03222), l’argument de l’employeur qui se prévaut du retard pris par La Poste dans l’acheminement du courrier de convocation est un « moyen inopérant » car « il aurait dû d’initiative reporter l’entretien ».

En plus de prendre des précautions calendaires, l’employeur doit donc également s’assurer des bonnes diligences des services postaux…


3- Quel préjudice pour quelle indemnisation

Depuis avril 2016, la Cour de Cassation a mis fin au principe du « préjudice automatique » qui concernait d’ailleurs en grande partie la procédure de licenciement et notamment le respect du délai de 5 jours ouvrables.

Il appartient donc, depuis ce revirement, au salarié qui se prévaut d’un préjudice dont il demande la réparation d’en rapporter la preuve.

Les 8 années passées ont d’évidence permis à cette nouvelle position de la Cour de Cassation de s’ancrer auprès des Cours d’appel.

Ainsi, la Cour d’appel de MONTPELLIER (CA MONTPELLIER, 29.02.2024, n°21/02307) se contente de relever que le salarié ne rapporte la preuve d’aucun préjudice pour débouter ce dernier de toute indemnisation.

La tendance majoritaire consiste toutefois à souligner que le préjudice allégué n’est pas démontré a fortiori lorsque le salarié a été assisté au cours de l’entretien préalable (not. CA BOURGES, 15.03.2024, n°23/00486 ; CA AIX EN PROVENCE, 23.02.2024, n°20/09652).

Reste que certaines résistances perdurent, à l’image de la Cour d’appel de DOUAI (CA DOUAI, 29.03.2024, n°22/01305) qui, bien que le salarié ait été assisté lors de l’entretien, retient que le non-respect du délai de 5 jours « entraine nécessairement un préjudice pour l’intéressé »…


Quelles conclusions peuvent être tirées de ce tour d’horizon ?

D’une part, qu’une même problématique peut recevoir des juges des réponses diamétralement opposées.

D’une part, que même sur un sujet que l’on pense aisé à maitriser, il existe un nombre important de facteurs dont l’employeur n’a pas forcément la maîtrise (comme par exemple le salarié qui déménage avant l’envoi de la lettre de convocation sans communiquer sa nouvelle adresse, se contentant d’un transfert de courrier qui rallongera le délai d’acheminement au risque de rendre la procédure irrégulière) et qui peuvent avoir des répercussions significatives sur la procédure (les conséquences d’une procédure irrégulière dans le cadre du licenciement d’un salarié protégé peuvent être financièrement considérables).

Une harmonisation des règles applicables par la Cour de Cassation serait à espérer. Mais outre le fait que ses décisions ne font pas toujours écho dans celles rendues par les Cours d’appel, les enjeux modestes du non-respect du délai de convocation à entretien préalable – un mois de salaire à titre de dommages et intérêts – n’est pas suffisant pour convaincre les salariés ou employeurs d’en saisir la Cour de Cassation.

La vigilance est donc de mise dès la première étape d’une procédure disciplinaire.

Article rédigé par Maître Xavier BLUNAT , Avocat Associé
 

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