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Exception à l’obligation de notifier les motifs s’opposant au reclassement d’un salarié inapte

Exception à l’obligation de notifier les motifs s’opposant au reclassement d’un salarié inapte

Auteur : Maître Jean-Baptiste TRAN-MINH
Publié le : 11/09/2025 11 septembre sept. 09 2025

Par un arrêt de principe du 11 juin 2025, la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que lorsque l’avis d’inaptitude précise que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement, l’employeur, qui est dispensé de rechercher un autre reclassement, n’est pas tenu de notifier au salarié les motifs s’opposant à cette recherche (Cass. Soc., 11 juin 2025, n°24-15.297 F-B).

Dans cette affaire, une salariée engagée en qualité d’agent de restauration par une association, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, avait été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail. Le médecin du travail précisait que tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Après avoir soutenu que son licenciement était nul, et à tout le mois privé de cause réelle et sérieuse, la salariée a été déboutée de toutes ses demandes, tant en première instance qu’en appel par un arrêt de la Cour d’appel de COLMAR du 12 mars 2024 à l’encontre duquel elle a formé un pourvoi en cassation. L’intéressée reprochait notamment à l’employeur qu'elle n'avait pas été informée des motifs pour lesquels il ne pouvait pas remplir son obligation de reclassement.

L’article L.1226-2 du Code de travail dispose que :

« Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. […] Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. […] »

L’article L.1226-2-1 du Code de travail précise que :

« Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. […] S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre. »

Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l’employeur doit pour respecter son obligation de reclassement, suivre des règles de fond et procédurales. Ainsi, lorsqu’il existe, l’employeur doit solliciter l’avis du comité social et économique avant de procéder au reclassement ou au licenciement. Il doit également notifier par écrit au salarié les motifs pour lesquels il ne peut pas remplir son obligation de reclassement.

Or, lorsque l’avis d’inaptitude mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur n’est pas tenu de consulter le CSE puisqu’il est dispensé de proposer au salarié des postes de reclassement (Cass. soc., 16 novembre 2022, n° 21-17.255 ; Cass soc., 8 février 2023, n°21-19.232 ; Cass. soc., 12 juin 2024, n° 23-13.529).

Dès lors que le médecin du travail mentionne que l’employeur est dispensé de toute obligation de reclassement, il n’est pas possible de lui imposer de notifier au salarié les motifs s’opposant à cette recherche. Il semble que la seule voie de droit ouverte pour remettre en cause les conclusions du médecin du travail, soit la contestation de l’avis médical, telle que prévue par l’article L.4624-7 du Code de travail. En l’espèce, les juges du fond se sont retranchés derrière l’avis souverain du médecin de travail.

La Cour de cassation avait déjà jugé dans le même sens, dans l’hypothèse où un salarié avait refusé une offre de reclassement (Cass. soc., 24 mars 2021, n°19-21.263). L'explication tient au fait que lorsque le salarié refuse les postes de reclassement qui lui ont été proposés, il connait pertinemment la raison pour laquelle l’employeur ne peut pas satisfaire à cette obligation de reclassement. Dès lors, il ne peut lui reprocher de ne pas lui avoir notifié par écrit les motifs s’y opposant.

L’autre intérêt de l’arrêt du 11 juin 2025 est de donner un éclairage sur l’avis du médecin du travail. En effet, dans cette affaire, la salariée soutenait que lorsque le médecin du travail déclare un salarié inapte à son emploi, en mentionnant expressément que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur ne serait pas dispensé de son obligation de rechercher le reclassement au sein des entreprises du groupe auquel il appartient. Ce raisonnement a été repoussé par la Cour de cassation qui juge que la mention de l’inaptitude de l’emploi du salarié sans restriction quelconque, décharge l’employeur de rechercher un poste de reclassement dans tous les établissements lui appartenant, mais aussi au sein de toutes les sociétés du groupe dont il fait partie et avec lesquelles une permutation du personnel est possible.


Article rédigé par Maître Jean-Baptiste TRAN-MINH, Avocate Associé

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