
Envie de liberté sans démissionner ? Les limites de la rupture conventionnelle « à tout prix »
Publié le :
08/09/2025
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2025
- Conquérir sa liberté en exigeant une rupture conventionnelle
Le droit français retient schématiquement 3 cas de rupture du contrat de travail :
- A l’initiative du salarié (démission et prise d’acte),
- A l’initiative de l’employeur (licenciement),
- D’un commun accord (rupture conventionnelle).
Ces modes de rupture, chacun le sait, n’ont pas les mêmes conséquences, notamment en termes d’indemnisations chômage.
La démission est privative, par principe, de l’allocation chômage (sauf dans 17 cas limitatifs Cf/ site de France travail https://www.francetravail.fr/candidat/mes-droits-aux-aides-et-allocati/a-chaque-situation-son-allocatio/quelle-est-ma-situation-professi/je-perds-ou-je-quitte-un-emploi/je-veux-demissionner-pour-un-mot.html).
Tel n’est pas le cas de la rupture conventionnelle.
- Recrudescence des cas de salariés à la conquête de leur liberté sans démissionner, mais prêts à tout pour contraindre leur employeur à la signature d’une rupture conventionnelle
Les cas d’espèce sont légion et concernent toutes les catégories socio-professionnelles de salariés confondues.
Dans ces cas, l’employeur, diffamé publiquement, objet de dénonciations calomnieuses auprès de l’inspection du travail notamment, s’estime victime d’un chantage.
Or, l’incrimination de chantage ne permet pas de recouvrir ces situations.
Le chantage est défini comme « le fait d’obtenir, en menaçant de révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque ».
Dans les hypothèses, objet de notre saisine, les salariés désireux de quitter l’entreprise ont déjà dépassé la simple menace de révélation ou la simple menace d’imputation des faits et sont passés à la phase de tentative d’extorsion de la signature de leur rupture conventionnelle en contrepartie de laquelle, l’employeur espère qu’il soit mis fin aux actions de contrainte (plus ou moins assumées par les salariés à la manœuvre).
Ces cas d’espèce tombent davantage sous le coup de la tentative d’extorsion de signature, caractérisée par un commencement d’exécution et une absence de désistement volontaire des auteurs.
L’extorsion est le fait « d'obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque ».
Le fait que la signature, que le salarié tente d’extorquer, soit celle d’un représentant de son employeur (personne morale) n’est pas un obstacle à la caractérisation de cette infraction.
De plus, la jurisprudence admet que la contrainte soit purement morale.
La contrainte, au sens pénal du terme, n’est toutefois constituée matériellement :
- Ni, par des sollicitations répétées,
- Ni, par de simples importunités (Tribunal Correctionnel de Paris 16 décembre 1991),
- Ni, par, bien évidemment, l’emploi ou, a fortiori, la menace de l’usage de voies de droit.
En revanche :
- Porter atteinte anonymement et massivement à la réputation d’une entreprise ou à ses représentants par le biais de publications injurieuses, dénigrantes ou diffamantes, pour faire accroire notamment à une souffrance au travail ou à un « harcèlement moral institutionnel » (nouvelle notion consacrée par la chambre criminelle de la Cour de Cassation / Cass Crim 21 janvier 2025 n°22-87.145 / Cf Commenté par Maître Thellier de Poncheville sur notre site internet https://www.aguera-avocats.fr/les-actualites/articles/politique-dentreprise-et-harcelement-moral-institutionnel-un-risque-a-anticiper-347.htm),
- Comploter pour organiser la perturbation du fonctionnement de l’entreprise ou d’un service, par des arrêts de travail opportunistes …
… sont des agissements qui pourraient légitimement caractériser la contrainte morale, au sens de l’article 312-1 du code pénal.
Pour rappel, l’extorsion, comme la tentative d’extorsion de signature, sont passibles de 7 ans d’emprisonnement et 100 000€ d’amende.
D’aucuns pourraient trouver sévères de telles qualifications.
Ceci étant, dans le contexte :
- D’une France qui ne connaît pas le plein emploi et où les entreprises se plaignent de pénuries de personnels ou de personnels formés,
- D’un pays qualifié par son Premier Ministre, comme un pays « au bord du surendettement »,
- Où les investisseurs étrangers confrontés à de tels cas d’espèce sont effarés de certaines modes en vigueur « chez nous ».
User de contrainte morale par différents moyens de pressions sur son employeur ou son représentant, pour leur imposer, alors qu’ils ne souhaitent pas le départ du salarié, la signature d’une rupture conventionnelle, pourrait relever de ce délit.
En effet, la jurisprudence estime que l’élément intentionnel est caractérisé par la conscience d’obtenir, notamment par la contrainte, ce qui n’aurait pu être obtenu par un accord librement consenti (Cass Crim 9 janvier 1991 n°90-80.478Cf lien Légifrance https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007065830).
Reste aux entreprises à dénoncer ce type d’agissements, aux syndicats à ne pas les encourager, aux inspecteurs du travail à faire preuve de discernement et d’égalité de traitement dans le cadre de leurs fonctions de contrôle, et aux représentants du Ministère Public de mener une politique pénale ferme et dissuasive pour stopper la recrudescence de tels phénomènes.
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