Licenciement injustifié et retraite à taux plein, le mariage impossible ?
Auteur : Maître Xavier BLUNAT
Publié le :
16/10/2025
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Un salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse peut‑il cumuler l’indemnisation versée à ce titre et obtenir également du juge une indemnisation supplémentaire en raison de la perte de chance de percevoir une pension de retraite à taux plein ?
La question revient souvent devant les juridictions prud’homales, en particulier depuis l’entrée en vigueur du barème MACRON.
Par un arrêt du 4 juin 2025, la Cour de Cassation répond par la négative.
Une salariée, licenciée pour inaptitude, sollicitait devant le juge prud’homal des dommages et intérêts à raison du caractère injustifié de son licenciement ainsi que des dommages‑intérêts pour perte de chance d’obtenir une retraite à taux plein.
La Cour d’Appel a débouté la salariée, estimant que celle-ci ne rapportait pas la preuve du préjudice allégué, réponse pour le moins ambiguë car elle ne précisait pas ce qu’elle pouvait attendre comme preuve nécessaire et suffisante… mais elle laissait penser que, le cas échéant, elle aurait pu accorder une indemnité spécifique à ce titre.
Saisie par la salariée, la Cour de Cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel déboutant la salariée mais sur un motif différent, fondé sur les règles de l’indemnisation du préjudice.
Le raisonnement de la Cour de cassation repose sur les articles 1103, 1231‑1 et 1231‑2 du Code civil, qui imposent que la réparation d’un préjudice doit être intégrale et exacte : ni perte ni profit pour la victime.
Ce principe interdit le cumul d’indemnités lorsque celles‑ci ont un même fait générateur et un même préjudice pour objet.
Poursuivant sa motivation, la Haute juridiction soutient que la perte de chance d’obtenir une retraite complète étant une conséquence directe de la perte d’emploi, elle ne constitue pas un préjudice distinct ; elle se trouve donc réparée par l’indemnité octroyée au salarié par le juge au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.
Comme rappelé, cette indemnité est encadrée par le barème MACRON inscrit à l’article L. 1235-3 du Code du Travail qui a circonscrit la réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse entre un plancher et un plafond déterminés en fonction de l’ancienneté du salarié et dont les détracteurs ont souligné, précisément, qu’il ne pouvait, en raison de sa nature forfaitaire, couvrir les préjudices de tous les salariés, par nature individuels et donc incompatibles avec une limite fixée d’autorité.
Cette décision s’inscrit toutefois dans une continuité jurisprudentielle, la Cour de Cassation ayant déjà exclu le cumul de l’indemnité de l’article L. 1235‑3 du Code du Travail avec d’autres réparations fondées sur des conséquences dérivées du licenciement, telle que la perte de chance de promotion.
Elle était néanmoins attendue dans une période où la multiplication des demandes soumises aux juridictions sociales s’est accélérée du fait, précisément, de l’encadrement des indemnités prescrit par le barème MACRON.
Alors que l’actualité la plus immédiate rebat les cartes de la retraite à taux plein, la position adoptée par la Cour de Cassation apparaît comme un signe de sécurité juridique accrue pour les employeurs avec l’espoir, sinon d’une disparition, à tout le moins d’une forte restriction des divergences d’appréciation des Cours d’Appel sur cette question… du moins jusqu’au prochain revirement.
(Cass. soc., 4 juin 2025, n°24‑10.455, inédit)
Article rédigé par Maître Xavier BLUNAT, Avocat Associé
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