
Intelligence artificielle et droit du travail
Auteur : Maître Damien Duchet
Publié le :
09/10/2025
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2025
L’intelligence artificielle (IA) s’invite peu à peu dans le monde du travail : outils d’assistance au recrutement, aide à la décision managériale, évaluation comportementale, analyse prédictive des performances…
Mais jusqu’où peut-on s’en remettre à ces technologies lorsqu’elles influencent directement le parcours ou la carrière des salariés ?
Depuis le 2 août 2025, une nouvelle étape a été franchie avec l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions du règlement européen sur l’intelligence artificielle (IA Act)[1].
Ce texte crée, pour la première fois, un cadre juridique complet autour de l’IA, et place les employeurs face à de nouvelles responsabilités.
- Rappel : qu’appelle-t-on “intelligence artificielle” ?
Selon le Parlement européen[2], « l’intelligence artificielle représente tout outil utilisé par une machine afin de reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ».
Autrement dit, il ne s’agit pas simplement d’un logiciel d’automatisation ou d’un tableau de bord RH, mais de systèmes capables d’analyser, d’interpréter et de décider à partir de données complexes.
- L’IA Act : un encadrement par le risque
Le règlement européen repose sur une approche graduée : plus l’usage de l’IA présente un risque pour les droits fondamentaux, plus les obligations sont lourdes.
Sont ainsi qualifiés de systèmes “à haut risque” les outils d’IA utilisés :
- pour le recrutement et la sélection des candidats ;
- pour l’évaluation ou la promotion des salariés ;
- ou dans la gestion disciplinaire et la rupture du contrat de travail.
Ces systèmes doivent désormais répondre à des exigences strictes :
- une supervision humaine effective des décisions ;
- une traçabilité du fonctionnement et des données utilisées ;
- la prévention des biais et discriminations ;
- et une information claire des salariés et de leurs représentants.
Certaines pratiques sont même interdites, comme l’analyse des émotions ou l’usage de la biométrie pour classer les salariés.
- Pourquoi la conformité est essentielle
Derrière les principes, l’enjeu est très concret : un outil d’IA mal encadré peut générer des décisions biaisées, créer des discriminations indirectes, ou encore fragiliser une procédure disciplinaire fondée sur les résultats ou l’interprétation d’un système d’IA.
Un salarié pourrait ainsi contester une décision en soutenant que :
- le système d’évaluation ou de sélection a manqué de transparence ;
- l’analyse produite par l’IA n’était pas objective ;
- ou que l’absence de supervision humaine a conduit à une erreur d’interprétation.
Pour prévenir ces risques, les employeurs doivent adopter une démarche proactive et documentée. Concrètement, cela implique de :
- cartographier les usages d’IA dans l’entreprise, qu’ils concernent les ressources humaines, l’organisation du travail ou la discipline par exemple ;
- évaluer le niveau de risque de chaque outil et garantir une surveillance humaine effective des décisions qu’il influence ;
- informer et consulter le comité social et économique (CSE), tout en expliquant le fonctionnement des systèmes aux salariés concernés ;
- prévenir les biais dans les données et les procédures, et documenter les décisions prises à l’aide d’un outil d’IA ;
- enfin, encadrer l’usage de l’IA par les salariés eux-mêmes, notamment en matière de confidentialité, de protection des données (RGPD) et de propriété intellectuelle.
N’hésitez pas à nous contacter pour en parler.
Article rédigé par Maître Damien Duchet, Avocat Associé
Historique
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