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La vie privée du salarié à l’épreuve des droits de la défense de l’employeur

La vie privée du salarié à l’épreuve des droits de la défense de l’employeur

Auteur : Maître Christian BROCHARD et Maître Elizabeth ST DENNY
Publié le : 13/07/2023 13 juillet juil. 07 2023

Si en matière prud’homale la preuve est libre, les exigences du droit à un procès équitable 1 s’opposent cependant à la recevabilité des preuves déloyales.


Ainsi, lorsqu’une partie produit en justice une preuve déloyale, celle-ci est en principe écartée par le juge qui la déclare irrecevable 2

Pour être licite et loyale, la preuve ne doit pas : 
  • avoir été obtenue par ruse ou stratagème (enregistrement audio à l’insu de l’interlocuteur, filature, etc..) ;
  • avoir été obtenue en violation des conditions de licéité prévues par la Loi (par exemple les règles du RGPD pour la vidéosurveillance ou l’enregistrement des entrées/sorties par badgeage) ;
  • porter atteinte aux droits fondamentaux de la partie concernée, notamment le droit à la vie privée.
Néanmoins à chaque principe son exception, la jurisprudence a dégagé des critères de recevabilité de la preuve déloyale dans le procès civil de sorte qu’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son irrecevabilité devant le juge civil. 

En effet, il appartient au juge d’apprécier si le moyen de preuve utilisé ne porte pas atteinte au caractère équitable du procès dans son ensemble. 


Par trois arrêts en date du 8 mars 2023 3 , la Cour de cassation a rappelé qu’en matière de droit à la preuve pour l'employeur, il appartient au juge de vérifier cumulativement que :
  • le contrôle opéré par l’employeur est légitime ;
  • la production est indispensable à l’exercice du droit à la preuve ;
  • l’atteinte aux droits du salarié est strictement proportionnée au but poursuivi.

Ainsi, au risque de voir le moyen de preuve invoqué jugé irrecevable par la Juridiction 4 , il incombe à l’employeur qui utiliserait un moyen de preuve déloyal de justifier de la réunion de ces trois conditions cumulatives.


L’apport significatif de ces arrêts du 8 mars 2023 est l’ajout d’une condition supplémentaire à l’examen de la question de la recevabilité de la preuve déloyale : 

L’employeur doit solliciter expressément devant le juge l’examen des trois conditions de recevabilité de la preuve déloyale.

En effet, si dans deux affaires 5 le juge a estimé qu’il lui appartenait d’étudier le respect du caractère équitable du procès dans son entier, en présence de la preuve déloyale, c’est parce que cela lui était expressément demandé par une partie.

A contrario, dans la troisième affaire 6 , le juge a considéré qu’il n’avait pas à analyser cette question, puisque l’employeur se bornait à soulever que la preuve produite n’avait pas un caractère déloyal.

Ainsi, le juge a déclaré la preuve apportée par l’employeur irrecevable sur le fondement de son caractère déloyal, sans examiner si elle remplissait les trois conditions de recevabilité rappelées ci-dessus.


Dans ces conditions, il convient d’être particulièrement vigilant sur ce point afin de soulever tous les arguments utiles devant le juge : d’abord le caractère loyal de la preuve produite, puis le caractère légitime, indispensable et proportionnée de la preuve.

En effet, dans le cas contraire, en présence d’une preuve déloyale, la Juridiction ne procèdera pas à l’examen des conditions de recevabilité de la preuve déloyale si cela n’a pas été sollicité par l’employeur. 

A notre sens, il convient donc dans un premier temps de privilégier des procédés loyaux tels que l’enquête interne, le témoignage d’autres salariés, l’audit ou encore le contrôle transparent des activités, notamment informatiques.

A défaut, il semble désormais indispensable de soutenir la recevabilité du moyen de preuve invoqué en justifiant des trois conditions dégagées par la Cour de cassation dans ses dernières décisions rendues en la matière.


1 Article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme
2 Cass. Soc. 4 février 1998 n°95-43.421
3 Cass. Soc. 8 mars 2023, n°21-17.802, n°21-20.798, n°20-21.848
4 Cass. Soc. 8 mars 2023, n°20-21.848
5 Affaires n°21-17.802 et n°21-20.798
6 20-21.848


Article corédigé par Maître Christian BROCHARD et Maître Elizabeth ST DENNY


 

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